Coup de gueule : le cri d’un artiste oublié dans le chaos des cachets
Cachets d’artistes : quand la reconnaissance se perd entre lois, politique et bonne volonté
Il y a des jours où je me sens perdu dans un jeu dont personne ne connaît vraiment les règles. Certains savent comment jouer, anticipent les coups, se protègent. Et puis il y a nous, les autres, ceux qui naviguent à vue, sans guide ni filet.
Au Québec, on parle souvent de passion, de vocation, de beauté… mais rarement d’argent. Et pourtant, c’est le vrai moteur, celui qui nous permet de continuer. Entre Montréal et d’autres grande villes, où certains cachets sont acceptables, et les petites régions où l’on nous offre « de la visibilité » comme si ça réglait le loyer, il y a un gouffre. Une ignorance totale, ou pire, un mépris implicite.
Mais soyons honnêtes : il y a aussi ceux qui profitent du flou. Ceux qui savent très bien ce qu’ils devraient payer, mais préfèrent tester les limites — surtout avec les artistes émergents, souvent trop enthousiastes ou trop timides pour dire non.
Jusqu’où doit-on tolérer ça ? Jusqu’où accepter de se faire exploiter pour « faire partie du paysage » ?
Sur le papier, tout est clair : le RAAV, le CARFAC, la loi… un artiste doit être payé pour son travail. Point final. Dans la réalité, c’est autre chose. « Pas de budget, mais ça te fera de la visibilité. » La visibilité, ça ne paie ni le loyer, ni les factures, ni le frigo. Pourtant, on cède. Parce qu’on aime notre métier. Parce qu’on ne veut pas passer pour le type « difficile ».
Et là, je me dis : jusqu’à quand allons-nous accepter ça?
Combien de fois faudra-t-il se taire pour rester dans le jeux ?
À Montréal, les institutions connaissent généralement la loi. Mais ailleurs ? C’est le chaos. Certaines mairies, festivals, maisons de la culture semblent ignorer nos droits. Et si tu oses rappeler la loi, tu deviens vite le rabat-joie, celui qui « gâche l’ambiance ».
Le problème, ce n’est pas qu’ils soient contre nous, c’est qu’ils ne savent pas. Et si on les formait, une bonne fois pour toutes, pour respecter ces droits ? Une formation obligatoire pour les responsables culturels ne serait pas un luxe. Qu’on avance ensemble, plutôt que de stagner dans l’ignorance et le mépris.
Je ne peux m’empêcher de rire jaune quand j’entends : « On ne peut pas te payer, mais on écrira ton nom sur le carton d’invitation. » Super. Je vais déclarer ça dans mes impôts : « Rémunération : une ligne de texte en Helvetica sur carton recyclé. » C’est drôle, mais ça fait mal. Cette mentalité détruit notre métier, banalise notre travail, nous fait passer pour des gens qui devraient être reconnaissants de participer.
C’est une insulte à notre talent, et je refuse de continuer à l’accepter.
Heureusement, le RAAV se bat pour nos droits. Mais il ne peut pas tout faire seul. La responsabilité est collective. Nous, artistes, devons refuser les cachets dérisoires, nous soutenir et dénoncer l’injustice. Chaque « oui » à un cachet ridicule contribue à la dévalorisation de notre métier. Et ça, on ne peut pas le permettre.
Il faut que ça change. Que les artistes, les institutions et les décideurs comprennent enfin une chose simple : l’art, c’est du travail. Pas un passe-temps, pas un luxe. Une profession à part entière.
Alors parlons fort. Secouons les consciences. Bougeons les lignes. Avec humour, oui, mais surtout avec lucidité et détermination.
Un artiste, ça se paie. Pas en visibilité. En argent.
Le changement commence quand on ose se faire entendre. Quand on pose les vraies questions, même si ça dérange. Quand on arrête de rire jaune et qu’on se met à rire… ensemble. Parce qu’à force de dire « oui » à tout, on disparaît. Et moi, je préfère qu’on me voie — et qu’on me paie.
-L’art n’est pas gratuit. Et la passion, aussi belle soit-elle, ne paie pas le loyer.-
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